Minter Dialogue avec Driss Ghali
Dans cet épisode, je reçois Driss Ghali, écrivain politique et conférencier. Nous explorons ses thèmes de prédilection : la violence et l’identité. Driss partage son parcours personnel, passant d’une carrière en entreprise à sa vocation d’écrivain. Avec référence à son livre, « Français, ouvrez les yeux !: Une radiographie de la France par un immigré, » nous discutons de l’identité française, de l’impact de l’immigration, et des défis auxquels la France est confrontée. Driss offre une perspective critique sur les élites, la déconnexion sociale, et propose des solutions provocantes pour l’avenir de la France. Notre conversation aborde des sujets sensibles comme le racisme, la méritocratie, et le besoin d’un projet national unificateur. Un épisode riche en réflexions sur l’identité, la société et l’avenir de la France.
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Les Derniers livres de driss ghali:
- L’identité d’abord: Lettre ouverte d’un immigré aux Français qui ne veulent pas disparaître – jan 2025
- De la diversité au séparatisme (2e édition) – avril 2024
- Français, ouvrez les yeux !: Une radiographie de la France par un immigré – jan 2023
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Crédits pour la musique : Le morceau au début est grâce à mon ami Pierre Journel, auteur de La Chaîne Guitare. J’ai également une chanson que j’ai co-écrite avec mon amie à New York, Stephanie Singer: « A Convinced Man. » Celle-ci a été écrite et enregistrée dans les années 1980 (d’où la qualité dégradée de mon enregistrement).
Transcription de la conversation par Flowsend.ai
Minter Dial : Nous voilà, Driss Ghali. Je suis ravi de t’accueillir sur mon podcast. Nous nous sommes rencontrés en vrai grâce à ma femme Yendi et j’ai eu l’occasion de lire en entier ton livre français « Ouvrez les yeux » et en moitié la traduction de ton livre sur la colonisation qui vient de sortir en anglais. Dans tes mots à toi, commençons par qui est Driss Ghali ?
Driss Ghali : Merci de m’avoir invité. Je suis un écrivain politique. La politique m’intéresse. De temps en temps, je donne aussi des conférences. Mes deux thèmes de prédilection sont la violence et l’identité. Je pense que le XXIe siècle sera porté par ces deux thèmes. Le retour de la violence et le retour de l’identité, son affirmation, peut-être plus que les religions ou que la technologie. C’est une thèse, évidemment, d’un pari. Ça, c’est, on va dire, ma définition officielle. Il y a toujours une définition extra-officielle, un CV caché. Nous avons tous un CV caché. Je suis quelqu’un qui a perdu beaucoup de temps dans une carrière en entreprise qui n’était pas compatible avec mon identité. Je ne le regrette pas puisque j’ai connu des gens très intéressants. Je suis très reconnaissant des opportunités qui m’ont été données. Je n’ai pas d’amertume par rapport à ça. Je suis reconnaissant d’avoir ouvert les yeux sur moi-même. Et quand j’ai commencé à comprendre qui j’étais, ma mission dans la vie, je suis parti. Et j’ai traversé le désert parce qu’il y a une vie loin du monde corporatif, du monde d’entreprise, mais il y a des épines dans cette vie-là. On est moins accompagné.
Minter Dial : Sécurisé. On est moins sécurisé.
Driss Ghali : Moins sécurisé. J’ai eu beaucoup de chance aussi dans cette traversée du désert, et donc j’en sors aujourd’hui. Pourquoi je te dis ça ? Parce que je suis une fleur tardive. Il y a juste cinq ans, je t’aurais dit, je viens du milieu de la haute technologie, des télécommunications. Aujourd’hui, je m’assume, j’ai mis beaucoup de temps pour faire mon « coming out », pour m’assumer, pour plein de raisons, notamment, de mon origine, je suis né au Maroc dans une famille qui voulait quitter la pauvreté. J’étais la première génération qui a quitté l’absolue pauvreté rurale, désespérante, analphabétisme et tout ça. Donc, les parents étaient obnubilés par les études classiques, l’ingénieur, le médecin, le banquier. Donc, je me suis engouffré là-dedans. J’ai perdu 20 ans. Enfin, je dis j’ai perdu 20 ans, j’ai investi 20 ans. J’étais hors de ma route pendant 20 ans et je dis heureusement parce qu’il y a des expériences que l’on savoure quand on est un peu plus mûr. Je pense qu’en amour, par exemple, il faut se passionner à 20 ans. Je pense. Dans ces affaires-là, il vaut mieux être jeune. Mais dans les affaires qui nous concernent aujourd’hui, je pense qu’il vaut mieux… Ce n’est pas mauvais de les expérimenter, de les déguster quand on a un peu de coffre et un peu de vécu. Le bonheur embête. Parfois, un malheur bien géré… Des épreuves de la vie vous permettent d’ouvrir les portes, qui vous permettent de profiter des choses. Mais quand tout va bien, quand tout suit l’autoroute de la vie, tout ça, je pense qu’on s’habitue au confort et qu’on se prend un train dans la gueule à 40 ans, 50 ans, on s’effondre. Moi, je l’ai pris à 30 ans. Je suis vraiment ravi de m’être reconstruit. J’ai mis beaucoup de temps. Ce n’est pas très drôle. Mais c’est comme ça.
Minter Dial : J’ai envie de te dire, ça a mis du temps, mais on ne peut pas s’inventer sans avoir traversé. C’est-à-dire que quand on demande à un enfant de 7 ans « qui veux-tu être ? », je n’en sais rien. Il y a certains qui disent « pompier », quelques-uns « illuminé », parce que les parents ont dit qu’il faut être musicien, ou je ne sais pas quoi. Mais pour le reste, il faut… essayer des choses, expérimenter des choses, casser des dents, expérimenter des échecs, des épreuves. Et c’est par les biais de ces épreuves et ces échecs qu’on commence à se construire, se connaître. Moi aussi, j’ai fait une expérience comme ça. J’étais 16 ans chez L’Oréal et la plupart de ma carrière, j’étais en train de suivre ce que je pensais être une vraie expérience. C’est sûr que j’ai eu de belles choses dedans. Comme toi, j’ai expérimenté des choses. Mais après, qu’est-ce qui a fait que tu as basculé ? Quel était le moment où tu as… Explique-nous comment tu as transitionné.
Driss Ghali : Je pense que c’est les moments de pure émotion qui font que tu bascules. Ce n’est pas la raison. On est dans une espèce d’inertie au fait. L’argent rentre, il y a le statut social, il y a l’espèce de mimétisme. On comprend vite qu’on n’est pas à sa place, mais on n’agit pas. On agit quand on prend un gros coup de marteau sur la gueule et en général, ça vient du côté de l’émotion. Moi, j’ai eu une dépression à un moment qui a traîné, qui a traîné, qui a traîné, qui a traîné. Ça, c’était ma première alerte. C’est le corps qui dit on ne peut plus se mentir à soi-même. La deuxième alerte, c’était la mort de mon père. où je n’avais plus besoin de faire plaisir à personne. Je n’avais plus besoin de correspondre à sa vision de la réussite dans la vie. C’est fou à dire, mais la mort donne la vie. C’est des portes qui se ferment, on ouvre d’autres. Tout ça, on est dans la destruction de tout ça, la dépression, la mort d’une personne. C’est ma femme qui m’a mis sur les bons rails. Parce qu’elle est… Comment dirais-je ? En anglais, on dit qu’elle est challenging. Moi, je suis très têtu. Très têtu pour mes trucs. Très dogmatique. Même dans le malheur, je suis dogmatique. Je dis qu’il n’y a plus de solution. Je suis trop vieux. et ma femme m’a challengé. Les femmes, elles savent occuper le territoire plus finement que les hommes. Elles arrivent avec des petits pas, elles occupent le territoire et elles voient en nous souvent ce qu’on ne voit pas nous-mêmes, des qualités qu’on ne voit pas en soi. Et donc petit à petit, j’ai accepté de m’assumer. Mais c’est très récent parce que… Au fait, la non-identité devient une identité. Quand on a vécu 20 ans, 30 ans en disant je suis telle chose et pas telle chose. Moi, je crois beaucoup à la force de l’habitude, l’habitude de se mentir, On se raconte des histoires, c’est qu’on finit.
Minter Dial : Par vivre de l’histoire. Les êtres humains adorent les habitudes. Mais Denis, dans tout ça, tu as choisi l’identité et la violence. Je dois imaginer que l’identité en tant qu’immigré a quelque chose. Raconte-nous, qu’est-ce qui fait que tu t’es attaché à ces deux sujets ?
Driss Ghali : Ils se sont imposés à moi au fait, ils se sont attachés à moi. Mais pourquoi ? Parce qu’en général, je trouve qu’on écrit souvent, qu’on s’occupe des choses qui nous tourmentent soi-même. À part peut-être Spinoza, Kant, Hegel, peut-être qu’eux, ils étaient dans le monde des idées, mais je pense qu’on est tous, on trouve dehors dans les concepts, ce qui nous tourmente à l’intérieur. On essaie de faire une connexion et on fait un peu de marketing pour dire que ça n’a rien à voir avec nous-mêmes et qu’on est intéressé par les causes de l’époque. C’est notre condition humaine et c’est ce qui nous pousse à travailler des choses et de mettre beaucoup d’heures de travail dedans parce que ça nous touche. Violence, identité… L’histoire de ma vie, c’est une quête de l’identité, une quête de l’identité, l’identité impossible. J’ai parlé de coming out parce que durant beaucoup de temps, il était difficile d’être homosexuel en Occident. Bon, maintenant, c’est plus facile. Moi, j’ai vécu, j’étais dans le placard. Je ne pouvais pas être auteur, m’occuper de sciences politiques, de choses comme ça. Il fallait faire autre chose. Donc, et cette identité-là, moi, je la vis au quotidien parce que je suis né, j’ai grandi au Maroc. Je suis arrivé en France à l’âge de 20 ans dans le système universitaire français. Je travaille en France et maintenant, je vis au Brésil depuis 14-15 ans. Donc, je suis sur trois cultures et je vois vraiment que nous sommes tous très différents. Très, très différents. Et je vois que c’est notre différence, que nos différences d’identité, déterminent largement nos différences de performances économiques et politiques. Pour moi, c’est évident, ça saute aux yeux. Pourtant, personne n’en parle. Si le Brésil va bien ou va mal, ce n’est pas parce que le prix de l’or ou du bois augmente, parce qu’il est brésilien. Il faut soigner cette identité ou la magnifier et la maximiser. Pareil pour le Maroc, pareil pour la France. Ce siècle sera identitaire, c’est-à-dire que les peuples qui s’en sortiront qui domineront et ne seront pas dominés, ce sont les peuples qui auront utilisé leur identité, d’abord qu’ils l’auront assumée, parce qu’il faut la connaître, bon il faut la connaître, ensuite il faut l’assumer, mais pas l’assumer pour dire je suis fier d’être israélien ou russe ou palestinien, non, c’est de dire ok, c’est celle-là, et qu’ils l’auront optimisée, c’est-à-dire que les zones d’excellence auront été développées et les zones de défaillance ou les zones de défaillance, elles auront été parce qu’on n’est pas bon partout. Même le grand peuple américain, nord-américain, a des zones de défaillance extraordinaires, énormes. Le problème racial, qui est terrible. Je ne pense pas qu’ils pourront un jour l’effacer, mais déjà qu’ils arrivent à le garder sous les yeux, à savoir qu’il existe. Nombre de peuples, comme nombre d’individus, j’en ai fait partie, refoulent tellement leur zone d’ombre qu’ils ne savent même pas que ça existe. L’identité, pour moi, c’est évident, parce que je le vis tous les jours. Je suis marié à une Brésilienne qui est catholique, d’origine juive, d’Europe de l’Est. C’est le choc des civilisations.
Minter Dial : C’est tous les jours, tous les jours.
Driss Ghali : À la maison Ghali. À la maison Ghali, c’est un choc colonial parce que je suis colonisé. J’ai mes deux mots à dire juste sur deux choses, sur ma religion, que je ne me suis pas converti, et sur quoi encore ? Sur ma religion.
Minter Dial : Le budget 20.
Driss Ghali : Le budget 20, oui, et la relation à la mère, au fait. Mon lien avec ma mère qui, dans la culture arabo-nord-africaine, elle a une aura de sainteté. Parce qu’en fait, nous sommes dans des matriarcats travestis. Vu de Paris, le monde arabe, le monde nord-africain, les femmes sont des martyrs. Je l’ai longtemps cru. J’ai toujours vu dans ma mère un martyr maltraité par mon père. Enfin, maltraité par mon père, dans le sens rabaissé. La loi est misogyne. Quand mon père est mort, ma mère a hérité du huitième du patrimoine. Ça, c’est la loi musulmane, la charia pour l’héritage. C’est la loi. La veuve hérite le huitième. Donc j’ai toujours dit, j’ai toujours pensé qu’il y avait, mais quand on regarde vraiment le fonctionnement des familles, on voit que les femmes ont beaucoup de pouvoirs positifs et de nuisances. Donc j’ai gardé avec ma mère cette relation-là de spécial. Mais sinon le reste, le régime alimentaire à la maison, ce qui va être cuisiné, ce qui va être mangé, les fêtes, là on est à la proche de Noël, les fêtes c’est ma femme qui décide. la manière de recevoir. Mais en fait, on a beau capituler pour avoir la paix, et de toute façon la vie est un arrangement, on ne va pas être en guerre tout le temps, ça ne sert à rien. Quand je vois ces immigrants en France qui sont en guerre tout le temps contre la France, je dis que c’est stérile, ça ne sert à rien, on perd son temps, il y a des batailles perdues d’avance.
Minter Dial : Si je peux revenir là-dessus, c’est qu’on en fait son identité dans la lutte. Là où on se croise beaucoup, c’est sur cette histoire d’identité. Souvent, c’est « identity politics », la politique de l’identité. On va dire que c’est un mot très tendance, mais je ne le pense pas du tout comme toi tu le définis. Donc pour revenir à ce sujet, la violence, pourquoi est-ce que la violence pour toi est un sujet aussi important ?
Driss Ghali : Je pense qu’il y a deux raisons, poursuivons le raisonnement d’avant. Au sein de moi-même, il y a toujours une violence contre moi-même, entre deux versions. La version qui veut être écrite, faire de la littérature, prendre des risques, et la version docile qui va suivre l’entreprise, suivre une carrière de cadre sup. Donc, cette violence-là, elle m’a massacré. Mais elle m’a permis aussi d’arriver à ce moment-là. C’est comme dans un avion, il y a l’aile de l’avion, il y a deux forces à traîner à la portance. Pour un avion, ça permet de… Moi, j’ai mis du temps à faire travailler ces deux forces en moi, pour moi. Donc, cette violence-là, elle m’a… J’ai eu une guerre civile à l’intérieur de moi-même. Je pense que je ne suis pas le seul. Nous sommes tous un peu contradictoires. Donc, cette violence-là, moi, je la connais intimement et je la vois maintenant dans le monde. On voit un pays comme la France, il se ronge, il s’explose les boyaux avec cette guerre civile franco-française sur des thèmes qui ne veulent plus rien dire, la laïcité, la souveraineté, il n’y a que des prétextes pour ce… comme les chiites qui se flagellent.
Minter Dial : Ou les catholiques.
Driss Ghali : Oui, bien sûr. Ça, c’est le côté vraiment, on va dire, ce que je projette de moi-même vers l’extérieur. Côté égoïste, on va dire. Et il y a aussi des évidences qui sont vraiment objectives, qui n’ont rien à voir avec moi. C’est que nous sommes aujourd’hui arrivés à un moment où le système politique… Il y a deux carrefours importants aujourd’hui, à mon avis. Le système politique, aujourd’hui, libère la violence. Il est criminogène. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, tout est fait. au niveau des tribunaux, au niveau du code pénal et autres, pour préserver les intérêts du violent, du délinquant, du violeur, de l’homicide, tout est fait. Juste les garanties des droits pénaux, les procédures pénales, en fait, tout est fait pour donner un avantage. Il y a une crise aujourd’hui mondiale de la justice, et pas seulement d’ailleurs en Occident. Rares sont les pays, peut-être qu’ils se comptent sur la doigte de la main, où on peut espérer avoir justice en se rendant dans un tribunal rare. Et ce n’est pas une question de dépense, de budget. Vous voyez ce qui est devenu à la justice française, la justice britannique avec les histoires qu’il y a eu cet été, les gens qu’on a mis en tôle, on vide des prisons pour mettre dedans en tôle des gens qui ont fait des posts sur Facebook. Donc, la violence est générée par le système politique. qui a fait le pari finalement de libérer les fous. Parce qu’on a commencé avec Michel Foucault par libérer les fous, on a bien fait. Très probablement, on avait exagéré avec l’enfermement généralisé des fous. Là, on a libéré les fous. Maintenant, on a libéré les délinquants. C’est un carnaval. Donc, il y a ce côté-là. Il y a le deuxième carrefour qu’on est en train de passer collectivement, en tout cas à l’Occident, c’est le changement des hiérarchies. Il y a violence quand il y a changement des hiérarchies. Avant la Révolution française, dix ans avant, il y a déjà eu une augmentation de la violence. On appelle ça le brigandage. Il y avait dans les domaines de chasse des grands chefs, des grands nobles, il y avait des brigands. C’était les premières révolutions. Parce que je ne te frappe que si je pense que je suis ton égal ou ton supérieur. Qu’est-ce que c’est qu’une agression ? C’est une domination. Le type qui te vaut ton téléphone portable, il veut te dominer. Rares sont les cas où il est motivé par la faim. En général, les gens en Occident, en tout cas, ils ne volent pas pour manger ou ils ne violent pas pour manger. Le type qui demande une cigarette dans le métro, il n’a pas faim. C’est une tentative d’établir une nouvelle hiérarchie parce qu’il y a des classes sociales qui tombent et d’autres classes qui montent. Et il y a surtout, en Occident aujourd’hui, ce sera mon dernier point, il y a une immigration de masse qui amène des populations à vivre les unes avec les autres, et c’est normal. Ça n’a rien à voir vraiment avec l’islam. C’est normal quand il y a des peuples qui cohabitent au même endroit de chercher à établir une hiérarchie. C’est normal. Quand il y a deux groupes, on le voit en entreprise. Quand il y a les francs-maçons et les cathos, il y a toujours une recherche de suprématie. Alors, ils ne se font pas avec des battes de baseball, mais ils cherchent la suprématie dans le Conseil d’administration, dans le syndicat. Tous les motifs sont là pour ce… Entre les peuples, à cause de l’émigration de masse, vous avez des voyous. On le voit dans les films américains, Gangs of New York, les Irlandais contre les Italiens, les Polonais de Chicago contre les… On a vu toute la mafia. C’était ça. Et cette violence-là, elle ne fait que commencer. Parce que vous avez aujourd’hui en Occident, surtout en Europe de l’Ouest, un chamboulement de hiérarchie. Les peuples historiques sont en train de sortir et d’être challengés, pour parler en mauvais anglais, par des peuples qui viennent d’arriver. Et c’est humain, c’est la nature humaine. Donc ça, c’est la violence. Et ça, c’est fascinant. On a Tesla, on a Elon Musk, on va peut-être coloniser Mars, mais nous avons ressuscité au coin de la rue des phénomènes qui sont extrêmement archaïques et qui ne sont pas mûs par l’IA ou par le software. En fait, c’est le software humain qui ressort. C’est comme quand il y a la mer qui recule et on voit les récifs. En fait, là, la mer est reculée et on voit les êtres humains tels qu’ils sont. splendide et déplorable en même temps. Nous sommes très violents en fait, on peut être extrêmement déprimant en fait. On voit dans les rues d’Europe ces faits divers, c’est la nature humaine, telle qu’elle est, brutale et tellement manipulable parce qu’on sait ce qu’il faut faire pour éviter ça, mais personne ne veut regarder.
Minter Dial : Je vais vouloir discuter de ce qu’il faut faire. J’ai envie de poursuivre un peu parce que dans ton livre, tu parles en effet de ce côté inné en nous de la violence. Tu dis l’être humain a besoin de dominer, le besoin de puissance, et tu dis dans ton livre que cette puissance est reliée à la souveraineté. La violence, on commence à entendre parler de beaucoup de criminalité dans les grands capitaux. telles la France, Londres, etc., ou San Francisco même, New York. Et tu parles aussi de ce côté colonisé de l’intérieur. J’ai envie de dire, il y a la colonisation entre guillemets de religion, mais si on utilise un petit R pour religion, c’est les religions de pensée. Il y a des pensées qui sont colonisateurs, qui veulent influer, qui veulent dominer l’histoire ou une société, et il y a des gens qui sont dedans, qui ne sont pas contents de ces histoires ou ces idées, et donc du coup il y a affrontement. Il y avait un passage dans ton livre sur la colonisation, dont je n’ai pas le titre en tête, mais j’avais l’impression que tu parlais d’aujourd’hui. Tu parlais de la période 1885, par là, en France, où il y avait le côté méditation et les côtés des gens qui voulaient aller chercher de l’économie. Ils méditaient et puis enfin c’est un grand courant aujourd’hui de parler de la méditation. Et donc, c’est là où j’en étais. Je me suis dit, tiens, ça, ce passage, on pourrait le coller, mais directement à aujourd’hui.
Driss Ghali : Oui. Au fait, la France a perdu la guerre face à la Prusse, l’ancêtre de l’Allemagne en 1870. Elle a perdu l’Alsace et la Lorraine. Donc, le régime est tombé. Napoléon III est tombé en 1870-71, je ne me souviens plus. Et la République est arrivée. Et encore, ils ont mis une petite dizaine d’années à décider du régime. Et c’était vraiment fifty-fifty, il y avait autant de républicains que de monarchistes. Même à l’Assemblée, il y avait des majorités monarchistes. On était dans un pays vraiment polarisé entre ceux qui disaient on va se recueillir, contempler, méditer, l’introspection, qu’est-ce qui s’est passé ? Pourquoi on a perdu la guerre face à l’Allemagne ? Ce qu’on apprend, ce qu’on dirait aujourd’hui dans le management, c’est « lessons learned » ou « trouble », j’ai travaillé là-dedans en plus, « root cause », c’est le pourquoi. À ce moment-là, c’est qu’est-ce qu’on peut améliorer ? L’armée, le moral, voilà. C’est ce qu’a fait Vichy en 40. On va ouvrir la parenthèse. Vichy en 40, on a perdu face aux Allemands, sauf qu’on a perdu tout le pays. Kadhi Vichy a dit non, on ne va pas se venger maintenant, on va comprendre ce qui s’est passé. Elle a même sauté l’occasion, elle a dit on va faire la révolution nationale. Travail, famille, patrie. Voilà ce qu’on a perdu face aux Allemands à cause de ça, ça, ça. Bon, je ferme la parenthèse. Donc il y avait un courant qui disait ce n’est pas la peine d’aller faire la guerre à l’Allemagne maintenant, on va comprendre ce qui s’est passé. Prenons le temps de comprendre. Il y avait un deuxième courant qui disait non, il faut faire la guerre maintenant. Et la République, qui venait d’arriver, qui était vraiment très fragile, a dit non, au fait, on ne peut pas faire la guerre maintenant. D’abord, on n’a pas les armements, la France est isolée en Europe, on n’a pas beaucoup d’alliés. Pas d’Anglais. Les Anglais n’étaient pas allés de la France, ni les Russes. L’Italie était en train de se chercher. Donc, ils ont dit, les gars, qu’est-ce qu’on va faire ? On va aller aux colonies. On va aller chercher les réponses aux colonies. Parce que dans les colonies, on va refaire la France. on va montrer à tout le monde que nous sommes des guerriers, on va amener le progrès, tout ça.
Minter Dial : Et la fierté.
Driss Ghali : Et la fierté, et la fierté. Et on va avoir des bonnes nouvelles, parce qu’on va conquérir la Tunisie, l’Indochine, et on va oublier la guerre civile française. Parce que face à un Noir ou un Chinois, monarchiste et républicain sont des frères. Le danger est commun, on ne va pas dire « oui, moi, je ne vais pas t’aider parce que tu es monarchiste ». Ça a marché. Mais pourquoi ça a marché ? Parce qu’il y a eu un lobby qui s’est mis en place avec des médias, des capitalistes, des géographes, des journaux, des militaires, des hauts fonctionnaires et qui ont vendu cette idée-là. En fait, on peut vendre toutes les idées. Toutes les idées peuvent être vendues. Il suffit d’avoir la communication et d’avoir aussi un peu d’audace parce qu’Ils ont menti. Ils ont dit qu’il y avait de l’or. Ils ont dit qu’on pouvait faire du cacao, du coton en Algérie. Ils ont dit qu’on pouvait faire… Voilà. Ils ont dit qu’il y avait des… Qu’on pouvait naviguer, par exemple, le fleuve rouge, je ne sais plus, en Vietnam, jusqu’en Chine. C’était faux. Parce que non, il fallait… On va arriver en Chine, on va faire le commerce. Ils ont menti. Ils ont gonflé les chiffres. Mais c’est ça, la vie, en fait. C’est beaucoup d’esbrouf. Et ça a changé le cours du monde. Ça a changé le cours, parce que ce n’était pas du tout gagné, parce que les principaux économistes français de l’époque étaient contre la colonisation. Ils étaient des vrais libéraux d’une tradition anglaise, ils disaient non, on ne va pas aller coloniser, il faut suivre Adam Smith, spécialisation, avantage compétitif, on n’a rien à faire en colonie. Et en fait, ils ont menti, le lobby colonial a menti. Et c’est ce que nous avons aujourd’hui. Nous avons des lobbies qui mentent et qui font le consensus est toujours fabriqué et toujours imposé. C’est comme avec l’histoire de l’immigration. L’immigration a lieu, elle a eu lieu, et on nous dit c’est une chance pour la France. Et vous avez tout un lobby universitaire, artistique, capitaliste, institutionnel, qui vous dit oui, c’est une chance pour la France. OK, il y a à boire et à manger là-dedans. Elle n’est pas entièrement négative, elle n’est pas entièrement positive. En tout cas, c’est un grand défi. Ça, je pense qu’il faut Mais pour les colonistes, c’est pareil. Ils ont d’abord conquis les colonies faciles, la Tunisie. La Tunisie, ils ont tenté avec l’Égypte, ils n’ont pas réussi. L’Afrique noire, un peu facile. Plus facile que d’aller chercher la Chine ou la Russie. Et après, ils ont dit au fait, les colonies, c’est bien. Parce que le fait accompli est très important là-dedans. Parce que c’est du spinning, comme on dit en Angleterre, c’est du spinning. On a conquis l’Asie, on a conquis le Sénégal, tout ça, bon. Donc on va trouver de l’or, voilà. Il y a cette espèce de, comment dirais-je, de malice qui est fascinante. C’est un comportement un peu de voyou, en fait, ce que la République a fait. Mais c’est un coup de génie, je le dis dans le livre, c’est un coup de génie. Parce que ça a marché. Enfin, ça a marché pour le régime. Et la France, entre guillemets, a bien fait d’attendre la revanche, a bien fait de différer la revanche face aux Allemands parce qu’il a fallu attendre 1914. Et là, la France avait des alliés, notamment les Américains et les Anglais, et les Russes. Elle a pu gagner la Première Guerre mondiale.
Minter Dial : Et là-dedans, il y a un moment où tu parles du fait qu’on n’a pas les moyens d’attaquer l’Allemagne, notre ennemi juré au moment, parce qu’ils avaient pris l’Alsace-Lorraine, Et ensuite, on va aller faire de l’Asie, on va faire une bonne histoire, on va gagner. Mais tu as dit à un moment donné, je n’ai pas les mots exacts, mais tu dis, on en a fait long la terre, notre ennemi juré de tout temps. Évidemment, j’ai regardé ça, et puis j’ai toujours pensé. que la vraie ennemie pour la France a toujours été l’Angleterre. Il y a un côté « I love you, I hate you » de la France. Et ce qui est un peu ironique dans le sort des choses, c’est l’alliance entre la France et l’Allemagne aujourd’hui. Où est-ce qu’on en est ? Mais pour revenir sur la France, le sujet de l’immigration, tu as raison, c’est de dire les bonnes choses et les mauvaises choses. Il y a des histoires autour de ça, qu’est-ce qu’on raconte là-dedans. Mais ce problème d’immigration qui existe en France, existe aussi en Angleterre, aux États-Unis, dans beaucoup de pays de l’Ouest, même l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne, la Suède. Pour autant, chaque pays a des problèmes différents à l’intérieur de ça. Si on reste sur la France, parce que c’est le livre « Les Français ouvrent les yeux », et c’est un sujet que tu as traversé quand tu étais en entreprise, c’est quoi notre identité ? Et j’ai hâte de dire qu’on a éclaté avec les déconstructionnistes de Foucault, Derrida, etc., de l’histoire, H majuscule, de notre pays. On veut se déconnecter des faits pour refaire un autre contexte, décontextualiser les choses. Mais en revanche, il reste encore un gros problème qui est, c’est quoi la France ? En fait, si tu dis la France c’est lui 14, on va dire oh la la, ça fait un peu beaucoup. Charles de Gaulle même. Mais comment est-ce qu’on peut arriver à identifier ou se mettre d’accord sort une identité en commun, ou quand on a le drapeau français, tricolore, on est tous derrière. Enfin, c’est même la marseillaise maintenant, c’est devenu trop compliqué, trop compliqué. Et donc, il y a Quelle est l’identité française ? Et la deuxième question, c’est comment arriver à faire en sorte qu’on se mette d’accord ? Est-ce que ça doit passer par la violence ou est-ce qu’il y a un moyen tiers pour le faire ?
Driss Ghali : L’identité française, on peut la définir de deux manières complémentaires. C’est d’abord un air de famille. C’est un air de famille. On reconnaît un Français à mille kilomètres et ce n’est pas l’allemand, ce n’est pas l’espagnol. Ce n’est pas l’anglais, ce n’est pas le russe, ce n’est pas le marocain. C’est un air de famille, une espèce de familiarité, de ressemblance qu’il y a entre les Français.
Minter Dial : Cette ressemblance, parce qu’en fait j’aurais pu prendre quelques mille années, qui ont cette aire de famille, qui ont cette élégance entre guillemets, enfin ce que je pense être l’air de famille. Mais l’air de famille française est différente quand même quand on parle de Marseille que de Paris.
Driss Ghali : C’est vrai, c’est très vrai, c’est très vrai, c’est très vrai, c’est tout à fait vrai. Mais il y a encore un air de famille, malgré tout entre un Marseillais et un Lillois, qui existe, il est évident, Alors, contre un Marseillais, un Sénégalais de Dakar, c’est difficile. Il y a la francophonie. Il peut y avoir la francophonie, l’usage du français en commun, mais ce n’est pas la même identité. Alors, je reviendrai sur la question de la couleur plus tard. Donc, l’air de famille. Et cet air de famille, on peut aussi le définir par des zones d’excellence et des zones d’ombre. La France, c’est un pays des idées. C’est un pays des idées. Ce n’est pas un pays évident. Ce n’est pas le bassin du fleuve Congo, on va appeler ça le Congo. C’est un pays qui était fait par les rois, par une volonté politique. La République est une idée. Ce n’est pas Dieu qui l’a dit et ce n’est pas du tout naturel. La République française, l’idée de l’égalité, c’est entièrement antinaturel. Dans la nature, autour de nous, il n’y a pas d’égalité. En Inde, Dans le monde arabe, l’égalité est une notion étrangère, extraterrestre. Je ne dis pas qu’on a raison ou qu’on a tort, je dis juste que la France est un pays à l’aise avec les idées, c’est un pays à l’aise avec la notion d’équité, la notion de justice sociale, même à droite, c’est un pays qui redistribue. C’est un pays très performant, l’économie française est très forte, malgré Macron, malgré Edouard Philippe, malgré Bruno Le Maire, Ce pays a quand même fait le Concorde, fait le TGV, il y a encore des choses. C’est un peuple d’élite. Il y a un cerveau là-dedans. Ce qui n’est pas le cas d’autres. Moi je pense que les identités sont différentes. Il y a des identités qui sont supérieures aux autres. Toutes sont égales en dignité. Mais je suis désolé si moi je devais renaître Dans un autre corps, je pense que l’identité bulgare est moins forte que l’identité française, d’un point de vue de PIB par habitant. Peut-être qu’elle changera dans le temps, mais aujourd’hui, voilà. Ça, c’est les zones d’excellence. Et les zones d’ombre de l’identité française, c’est un pays de poètes et un peu de doctrinaire. On est fâché avec le capitalisme, avec l’argent. Ce que nous avons été fait par l’État, par des fonctionnaires, par des rois, on n’est pas un pays de commerçants. On est nul en commerce. Les Allemands sont bons, les Italiens du Nord font très bon commerce, les Britanniques évidemment. Nous, nous sommes un pays qui est fait par une volonté politique, l’économie doit suivre, l’intendance doit suivre. On a toujours été fâché avec le capitalisme, pas parce que nous sommes des communistes, nous n’avons jamais eu de grands capitalistes, contrairement aux Vanderbilt américains, les Thyssen allemands. Nous, on a eu un peu de mal avec ça. Voilà l’identité française et je dirais que c’est une femme la France. C’est une identité féminine. C’est un pays profondément féminin parce qu’il y a l’empathie, la douceur, alors que l’Américain du Nord est un homme. Le Brésilien est un adolescent, jovial, très violent. L’Américain est un homme. On sent la virilité aux États-Unis. Il suffit de descendre à l’aéroport qu’on sent qu’on… Ce n’est pas une critique, c’est juste une… La France est féminine. La France, c’est une espèce d’empathie, de douceur. Alors, si on file la métaphore de la féminité, je vais encore me faire taper dessus, il y a parfois des moments d’hystérie dans l’histoire de France. La révolution française, c’est de la folie. C’est une hystérie de dix ans. On a tué les gens, mais pour rien. Là, on est dans une folie collective. Depuis mai 68, nous sommes dans une folie totale, collective. On détruit l’autorité, on détruit la police, on détruit la famille, on détruit le pays, on détruit les frontières, on donne tout à l’Europe, contre rien ! Si seulement on avait un deal ! Il y a dans l’identité française un potentiel de folie qui est présent. Vous me direz que les Américains ont fait la prohibition, qui était une folie furieuse, interdire l’alcool. Il faut être fou, ou interdire le hockey, c’est une folie aussi. Mais il y a en France une folie très française qui n’est pas importée par les immigrés. Il y a des moments où on perd le contact avec la réalité. Ça, c’est l’identité française. Il s’avère qu’avec l’histoire, parce que la France est un pays qui a été fait à feu lent, cuit à feu lent. Contrairement au Canada, contrairement à Israël. Israël, on peut en discuter parce que c’est 5 000 ans quand même d’histoire, mais c’est un pays récent. Contrairement aux États-Unis ou au Brésil, qui a été fait au micro-ondes, le Brésil a été fait au micro-ondes. Ce qu’il fallait faire vite, il fallait lutter contre la malaria, les moustiques, les jaguars et les indiens. Donc, il fallait faire vite peuple, société. La France a été faite… Et au même endroit, la France est une grande stabilité démographique. Contrairement à ce que nous disent les gens aujourd’hui, la France, c’est un pays blanc. Non pas à part taille raciale, mais parce que, coïncidence, les Français ont vécu ensemble pendant un millier d’années. Alors, est-ce qu’on peut être noir et français ? Bien sûr. Les deux hommes, Martinique, Aimé Césaire, Frantz Fanon, même s’il avait des… Mayotte. Mayotte, oui. Mais il y a quand même une identité blanche française. Pourquoi je dis identité blanche ? Je pense beaucoup à l’aspect génétique. L’identité est portée par les gènes, parce que la vie de l’être humain est trop courte pour réinventer la roue. On ne peut pas, en une vie d’homme ou de femme, découvrir tout ce qu’on en est. On reçoit des choses, l’inconscient collectif, et donc il y a un côté génétique porté. Il y a un peuple historique de France. On ne peut pas l’évacuer comme ça. C’est un peuple qui nous a transmis cette identité. Donc il ne faut ni le vénérer ni le déclasser. Mais il y a un fait accompli génétique qui est là, et donc ce pays a une tradition blanche. Alors, est-ce que demain il deviendra noir ou métis ? Ce n’est pas à moi de le juger, mais je pense qu’il y a ça. Et pour terminer sur ça, la France, c’est la fille de l’Église, parce que c’est un pays où le catholicisme a été très très fort, Au point où il a domestiqué les gens. Le catholicisme a plus réussi en France qu’en Italie à mon avis. Il a réellement refabriqué, il a déconstruit l’être humain. Parce que vous voyez, le français il s’arrête au feu rouge. spontanément. Combien de peuples s’arrêtent au feu rouge spontanément, sans avoir un policier, une caméra ?
Minter Dial : Combien de monde ? Juste, j’ai envie de dire, ça semblait l’influence de l’Afrique du Nord. Car en fait, si je pars en Suède, si je pars en Norvège, ils sont plus que polis par rapport au feu rouge. Mais parce qu’en France, je trouve que parfois, le pays… Oh là là !
Driss Ghali : Ah voilà, en fait, j’ai une boutade. Moi, j’ai toujours pensé que le français était civilisé jusqu’à connaître le cycliste parisien. Et là, il a envie de remettre en cause toutes mes… Ce qu’on nous dit, l’ensauvagement, l’ensauvagement, il y a un côté ensauvagement importé de l’extranger, mais il y a l’ensauvagement du vélib parisien, du cycliste parisien.
Minter Dial : Mais comme tu dis, en fait, on est issu de notre histoire et le vélo, le cycliste parisien, lui, il est issu du moto. Car en fait, c’est une ville… Oui, enfin, ce n’est pas le Vietnam en tout cas, mais la manière que les motos conduisent à Paris, ça a permis, ça a entré pour moi à ce moment-là. Je veux juste revenir parce qu’en fait, tu as mentionné les années 60 et les années 60, je pense qu’il faut se mettre d’accord que les années 60 ont amené de bonnes choses.
Driss Ghali : Certainement.
Minter Dial : Et le sujet ou la difficulté d’un point de vue conservateur, j’ai envie de te mettre un peu sur l’angle conservateur, c’est qu’on ne peut pas jeter tout l’eau du bain.
Driss Ghali : Bien sûr.
Minter Dial : Et donc progrès, enfin même si on parle de cette civilisation entre guillemets blanche de Voltaire, de pays d’idées, enfin des idées éclairées, enfin des idées illuminées qui ont apporté plein de choses à notre civilisation, la difficulté que j’ai c’est de savoir à quel moment le progrès doit s’arrêter. Car en fait le progrès, on a fait des bonnes choses, il y a le progrès scientifique et sous le parapluie ou la permission que donne la quête du progrès, on continue, parce que si on a progressé ici, il faut maintenant continuer à progresser ceux-là. Et ensuite, on a guéri, on a solutionné ce problème-là, attaquant un autre. Et donc, ces personnes-là, ceux qui sont amenés ou encouragés à être progressistes, ne savent pas se retenir à un moment donné. Parce que je fais du bien. Alors, comment tu réagis par rapport à ça ?
Driss Ghali : Est-ce qu’il faut arrêter le progrès ? Très bonne question. Moi, je pense qu’il ne faut pas avoir une approche religieuse. Aujourd’hui, il y a une religion du progrès qui est la religion française. Le progrès, le progrès, le progrès. On est parti de la pilule de contraception. On est à la GPA pour toutes. Demain, on aura je ne sais pas quoi. On est passé du PAX, mariage pour tous, et ainsi de suite. Elon Musk est un progressiste. D’ailleurs, il fait peur. Il y a certaines de ses choses, des choses qu’il est en train de… C’est un progressiste de droite. C’est un progressiste. Il veut poser des chips dans la tête, des micropuces dans la tête.
Minter Dial : C’est un transhumaniste.
Driss Ghali : Oui, certes, peut-être. Il a un côté très… C’est très inquiétant, même si on peut avoir de la sympathie pour tout ce qu’il fait pour dépasser l’expression. Donc, le progrès n’est pas une religion. Il faut toujours le questionner par rapport à deux choses, à mon avis. La puissance. Est-ce que ce progrès nous rend plus puissants ?
Minter Dial : Tout simplement.
Driss Ghali : A l’évidence, non. On a abandonné la France pour faire l’Europe. Eh bien, à 27, on est plus faible qu’à tout seul. Les Américains nous traitent comme des laquais, comme des valets. des vannées de chambres, alors qu’on est 27. Voilà, donc ce progrès-là, est-ce que moi je… Vous avez vu Paris, ce qui est devenu Paris, les grandes villes françaises. L’insécurité, la saleté, la laideur, la laideur des constructions. Si ce n’est pas haussmannien, c’est moche, c’est très simple aujourd’hui en France. Soit on recopie l’haussmannien, bon là c’est mignon, si c’est neuf, C’est moche, en général. Donc voilà, la puissance. Pour que le progrès, s’il ne permet pas d’augmenter la puissance, ce n’est pas la peine. Parce que le monde est compétitif. Les Chinois, les Arabes, les Indiens, les Indonésiens, les Perses, tous veulent leur revanche sur l’histoire. Donc il faut qu’on soit, voilà. Et la deuxième chose, il faut que ce progrès-là nous permette d’exister en tant que peuple, en tant que civilisation. Je vois aujourd’hui ce progrès qui veut nous faire la peau. Je ne vois pas ce qu’il y a de progressiste à remplacer un peuple par un autre. Je ne vois pas ce qu’il y a de progressiste. Où est le progrès là-dedans ? C’est comme si on disait aux Aztèques, on va vous remplacer par des Espagnols catholiques et ça va être bien pour vous. Oui, c’est ce qu’on est en train de dire. Vous n’avez rien compris. On nous a dit de fermer vos gueules. C’est le progrès. En fait, je ne vois pas ce qu’il y a de progressiste là-dedans. Je ne vois pas ce qu’il y a de progressiste de changer le visage. Et là, je reprends le travail sur la colonisation. Ceux qui ont colonisé le Maroc, ils ont dit « les gars, c’est un progrès, on vous amène le progrès ». Ils avaient raison, ils nous ont amené l’état-nation, ils nous ont amené la bureaucratie, mais la bonne bureaucratie, ils nous ont appris à contrôler la population de manière plus efficace, ils nous ont appris à à quadriller la population, ce qu’on ne savait pas faire dans le régime marocain d’avant, l’ancien régime en fait, avant Création. Ils nous ont amenés à la médecine, ça reste un problème. Ils ont miné les vaccins, mais ils nous ont dominés. Ils nous ont remplacés dans un certain sens et ils ont bien fait de partir. Donc aujourd’hui, il y a des limites au progrès en fait. Et aujourd’hui, on a un progrès qui nous dit, vous serez remplacés, Et je reprends le cas de monsieur Mosque, que j’aime beaucoup, mais il a un projet pour faire le camion autonome. Alors que le chauffeur routier, c’est un des derniers jobs valables aux hommes qui n’ont pas fait la fac, qui n’ont pas fait d’études supérieures. Qu’est-ce qu’on va faire de ces gens-là ? On va les remplacer par des camions autonomes. Ils vont quoi ? Ils vont devenir alcoolos, drogués. Voilà. Donc, aujourd’hui, en France, nous avons un parti du progrès qui est le parti de la Révolution française. Au fait, à mon humble avis, il y a bien sûr qu’il y a la droite et la gauche, mais il faut aller au-delà. Il y a deux partis. Il y a le parti qui veut poursuivre la révolution de 1789. Il va de LFI jusqu’au LR. C’est le progrès. Alors après, LR fait la gueule, mais LFI pour le progrès. LFI dit « GPA pour tous », LR fait la gueule mais finit par signer parce qu’elle se sent redevable de servir le projet révolutionnaire. le progrès, pas la France, le progrès. Et vous avez des partis anti-révolutionnaires qui disent non. Alors, ils ne sont pas très nombreux, ils sont pestiférés, mais je pense que c’est ça le débat qu’on a aujourd’hui en France. Alors, le problème de ces partis-là qui sont contre la révolution, qui sont par exemple contre la GPA pour toutes, qui sont contre l’Europe des 27, tout ça, ils ont été pestiférés parce qu’on leur a dit « vous êtes des réactionnaires ». Mais bientôt, ils seront libérés de cette diabolisation parce que, je parie, sur un choc, il y aura un grand effondrement et nous allons nous séparer entre les morts, ceux qui vont mourir dans le choc, une guerre, un effondrement, un collapse de l’État, je ne sais pas quoi, et ceux qui veulent se recueillir, comme avant, et ceux qui veulent rénover et reconstruire. Et je pense que on va devoir reconstruire parce que là on est parti trop loin.
Minter Dial : J’ai étudié, quand j’étais à l’université, la littérature dans les révolutions et les guerres civiles et j’étais toujours très intéressé par l’étincelle qui démarre la chose et le rôle que les intellectuels jouent dans ces propos. Je veux juste revenir, parce qu’en fait, dans l’histoire de l’identité française, ça paraît très difficile pour quelqu’un qui est à l’extérieur de ça de comprendre que la France, c’est un pays d’idées. et ça fait très abstrait comme concept. En revanche, quand tu parles souvent, et j’ai envie de savoir s’il y a des passerelles ou des ponts avec ça, tu parles beaucoup, Idriss, du sérieux, de l’objectivité, la méritocratie. Tu parles aussi de la beauté, dans les mêmes types de mots et d’expressions, et l’excellence. avoir travaillé chez L’Oréal, la beauté c’est un gros sujet, l’excellence dans le marketing, je le voyais, la méritocratie, ça c’est le capitalisme, c’est comme ça que je le conçois, l’objectivité, la beauté peut-elle être objective ? En tout cas, où est-ce que ces concepts-là peuvent être français ?
Driss Ghali : Ils ont ils ont des déclinaisons, on va dire. Le mot capitalisme ne veut pas dire la même chose aux États-Unis qu’en France.
Minter Dial : C’est clair. Comme le pragmatisme, au passage.
Driss Ghali : Comme le pragmatisme, exactement. Comme la tolérance, comme la race.
Minter Dial : Comme la liberté.
Driss Ghali : Comme la liberté, tout à fait.
Minter Dial : Ou l’égalité, même.
Driss Ghali : Ou l’égalité, tout à fait, tout à fait. Ce sont des mots qui n’ont pas la même signification. Disons que la France est un pays c’est la féodalité, l’Église, la monarchie, on fait la France. Et la monarchie est partie et on a mis l’État au tapis.
Minter Dial : L’État-providence.
Driss Ghali : L’État-providence, l’État-stratège, l’État qui a Air France, Aéroports de Paris, SNCF, tout ça. C’est un État qui est en surplomb de la société. C’est comme sans État, il n’y a pas de société en France. Les Français croient ça. Je pense qu’on peut en discuter, mais contrairement aux États-Unis où il y a d’abord eu la société, après on a mis le gouvernement. On regarde avec suspicion, il est lointain. En France, c’est l’État qui a ramassé tout le monde parce qu’il n’y a pas d’évidence géographique française vraiment puisque les Bretons, très sincèrement, ils auraient pu être grands Bretons. Les Corses, ils auraient pu être italiens. L’Occitanie aurait pu être italienne. Les Niçois, bien sûr. La Savoie était longtemps italienne. Franchement, les Alsaciens auraient bien pu être allemands et personne n’aurait rien vu. C’est vraiment l’État, une force, un Armageddon qui a mis tout. Et donc, au fait, l’Église a beaucoup moralisé. et la République a pris le relais de l’Église. On a enlevé le péché, on va dire, on a créé à la place une morale républicaine où il y a la méritocratie. Ce n’est pas une méritocratie pour faire de l’argent, c’est une méritocratie très religieuse pour faire bien. Le fonctionnaire travaille bien, il fait le service public, le professeur enseigne, et on a remplacé l’Éden catholique par le rayonnement de la France. On ne promet plus aux gens le paradis, mais on leur dit que le pays va rayonner. Et ça a marché au 19e siècle, au 20e siècle. Les Français ont cru dans ce projet-là. Donc, la méritocratie française est une méritocratie qui est un fond religieux. Je fais le bien, mais ça veut dire que je fais des maths, je suis le premier au concours, je choisis le meilleur, je prends le fils de l’agriculteur Pompidou, Premier ministre, parce qu’il a fait l’agrégation de…
Minter Dial : C’est vrai.
Driss Ghali : Voilà. Je prends un Noir qui est Léopold Sedda-Senghor dans les années 1920, alors que les Américains, ils ne voulaient pas toucher les Noirs. Et on le met à Gregg, professeur agrégé de grammaire à l’Huile Grand. Donc, il a eu l’agrégation à Normale Sup’, il a donné des cours à des Blancs en 1932 à l’Huile Grand, donc à la fabrique des élites. Ça, la méritocratie française. Mais il est très… Elle est très étatique, on va dire. Le français a besoin de regarder toujours vers Paris, vers le haut. Il y a cette espèce de… Il faut qu’il soit ramassé, sinon le pays se… Pourquoi ? Parce que c’est un pays aussi de guerre civile. C’est un pays divisé. Il y a eu les monarchistes contre les républicains pendant longtemps. On a eu les protestants contre les catholiques. On n’a pas pu assimiler les protestants en France. On les a mis dehors. On les a mis aux États-Unis, les Duponts de Nemours, Delaware. On a mis nos amis en Hollande, en Angleterre, en Afrique du Sud, De Beers, tout ça. Je ne sais pas si De Beers est d’origine française, mais il y a beaucoup de Huguenots en Afrique du Sud. Et aujourd’hui, on veut assimiler 10 millions de musulmans. Mais bon, c’est juste une boutade. Mais c’est un pays de guerre civile, la France. Et donc, on a besoin d’un principe unificateur qu’on a trouvé dans le roi ou dans l’État. ou la religion de l’État qui est en train de tuer la France. Parce que l’État, avec les impôts, avec son projet européen de suicide collectif dans l’Europe, avec la promotion de l’immigration de masse, l’État tue la France.
Minter Dial : Ce que tu dis souvent, Driss, pour te couper, c’est que tu es assez remonté contre les élites. Oui, remonter contre eux pour leur éducation, le dédainement, la déconnexion avec la société. Et donc, quand tu es dans un pays où l’État est souverain, et que l’État est mené par des gens déconnectés du peuple, qui ne sont pas en contact avec la guerre civile qui est en train de se passer, c’est là où j’ai l’impression que tu te dis que c’est là où ça va déconner.
Driss Ghali : Oui, les élites aujourd’hui, elles ont complètement oublié l’identité française, c’est-à-dire qu’on a des élites aujourd’hui qui sont des élites académiques dans le sens péjoratique du terme, c’est-à-dire qu’elles confondent leurs diplômes avec leurs valeurs, elles confondent des chiffres et des tableurs Excel et des dissertations avec la réalité. La réalité, c’est qu’il n’y a pas d’être humain universel. Il y a des Français, des Américains, il y a des Sénégalais, il y a des Égyptiens. Il n’y a pas d’être générique. Il n’y a même pas d’homme européen. Il ne faut pas en discuter. Ça veut dire que les solutions comme les problèmes sont liées à l’identité française, à l’identité américaine. La France a été, et est encore membre du G7, a rayonné parce qu’elle était française, pas parce qu’elle était américanisée ou arabisée ou africanisée ou musulmane, ou européenne, elle était française. La France n’a jamais été aussi rayonnante que quand elle était dans la guerre symbolique contre l’Angleterre et l’Allemagne. Paris était la capitale du monde dans les années 1900-1920, quand on était rivaux de l’Allemagne et de l’Angleterre. C’est quand on est devenu sous l’Europe de Bruxelles qu’on a perdu le rayonnement. Parce qu’il y a une identité française. La France est le pays de la sécurité sociale et de la redistribution parce qu’il y a des Français. Aucun autre peuple monde n’est capable d’accepter d’être taillé, d’être tendu comme un mouton pour redistribuer à son voisin. Aucun autre peuple monde. Je ne connais pas d’autres peuples mondes. Les chinois ont pu faire ça, mais avec des camps de la mort, des goulags et des génocides. Les russes ont fait ça, ça s’appelle communisme. Le peuple français accepte volontairement de se faire pondre pour redistribuer l’argent et en même temps il continue à produire. L’américain est certainement beaucoup plus productif que le français. Le PIB pour habitant, par habitant, est une mesure. Mais il ne veut pas la solidarité. Le peuple français est un des rares peuples au monde qui accepte la solidarité et qui continue à travailler comme un dingue pour produire. La productivité française est encore élevée. Elle descend, elle baisse, mais elle est encore élevée. Ça, si on change ce peuple-là par un autre peuple, mettons le peuple maghrébin, on n’aura pas les mêmes résultats. C’est évident. Il ne faut pas être raciste ou fasciste pour dire ça. C’est évident. Chaque peuple a un pacto social. Le pacto social d’Afrique du Nord n’est pas le pacto social de l’égalité. Loin de là. Loin de là. Je ne dis pas qu’il est meilleur ou moins beau, je dis ce qui est différent. On n’a pas libéré les femmes en France et on les a mis au-dessus des hommes parce qu’on était un pays musulman, parce qu’on était un pays catholique. Catholique là ici, c’est mais catholique. Parce qu’on descend de ça. Je suis remonté contre les îtes parce qu’ils sont en train d’exploser tout ça. Et les problèmes qu’on a à régler, on ne pourra pas les régler. Je ne sais même pas comment on va les régler. Parce qu’on n’a plus des problèmes de Français. Nous avons aujourd’hui des problèmes de pays africains, en même temps que les problèmes de Français. On a un problème, rapidement, la crise de l’école. C’est un problème franco-français. Les Français ont détruit leur école. pour des raisons politiques, philosophiques, bourdieux, tout ça. Très bien. Donc, il y a une solution française à ça, qui serait le retour de la méritocratie à l’ancienne. Par exemple, de l’internat, le retour des maths, le retour du latin, du grec. Sauf qu’aujourd’hui, on a 10 millions de musulmans, 10 millions d’Africains en France, avec des problèmes d’accès à la langue française, avec des problèmes de culture qui ne valorisent pas l’éducation. Donc, on doit régler deux problèmes en même temps. C’est extrêmement difficile. C’est pour ça que je suis remonté contre les élites, parce qu’elles rendent difficile la solution de nos problèmes qui sont déjà immenses.
Minter Dial : J’ai envie de dire, je veux partager, si tu m’acceptes, l’expérience d’être naturalisé français, car je l’étais. Et pour le faire, j’ai eu une éducation civique. où on m’a expliqué la France. Et cela, on a fait en français avec 35 personnes dans la salle. Et dans une journée, on a divisé la journée en trois. Et là, je parle de style 2000, 3, 4, 6 par là. Et la première partie de la journée, c’était sur l’histoire de la France. On a traité l’histoire de la France en dessous de trois heures. Ensuite, on a fait la géographie de la France, avec les 27 000 communes, les DOM, les TOM, les départements, les machins. Beaucoup à assimiler déjà dans deux heures. Puis on a terminé par la loi de la France. Et autant dire qu’à la fin, la tête qui tourne, on ne comprend rien. Et puis d’ailleurs, ça a fait un émeute dans la salle, carrément à la fin. Enfin, je peux dire, le bonhomme qui nous a accueilli, il avait l’air très français, avec le beret. salopette, il a tendance à avoir la baguette en dessous des bras, moustache, etc. Il nous a proposé un déjeuner qui était offert avec deux choix pour le repas. Il y avait un choix qui était poulet, plus des haricots verts, et puis l’autre c’était des tripes. parce qu’il voulait qu’on comprenne la France. C’était toute une expérience. Mais dans les esprits, il y a deux endroits où je veux terminer. La première, c’est par rapport à ces élites. Et on a parlé tout à l’heure de ça et j’ai trouvé ça intéressant. C’est qu’il y a un manque de contact entre les gens qui vivent au-dessus, comme on dit en Angleterre, upstairs, c’est-à-dire le peuple un peu privilégié, avec les camionneurs dont tu parlais tout à l’heure, avec les domestiques, avec les secrétaires, avec ceux qui sont dans la rue, entre guillemets qui sont… qui font tourner par ailleurs la société. Ça c’est quelque chose qui doit être vrai aux États-Unis tout comme c’est en Angleterre. Dans l’ensemble, on ne peut plus se payer un secrétaire domestique, donc on n’est plus en contact avec la vérité et du coup on est forcément dans la division.
Driss Ghali : Oui, on ne peut plus se payer le contact humain, c’est devenu un luxe aujourd’hui d’avoir une Femme de ménage, une nounou… D’ailleurs, entre parenthèses, il y a eu une grande crise de la maternalité en Occident, pas seulement en France, que les femmes ne peuvent plus faire garder leurs enfants, parce que une nounou coûte très cher. Bon, fermons la parenthèse. Donc, il n’y a plus de contact aujourd’hui. Tout est sur Uber, Uber, Delivery, je ne sais pas quoi. Donc, on vit avec des gens qui pensent… C’est l’entre-soi, au fait, généralisé. On vit avec sa femme, ses enfants, ses collègues via des réunions sur Zoom. Il n’y a plus de bureau. Quand les gens vont au bureau, c’est une fois par semaine. Et encore, c’est pour se réunir avec des gens qui leur ressemblent, qui ont la même idéologie, dans des open spaces, une espèce de nivellement. Moi, j’ai commencé ma carrière, j’avais un bureau avec une belle table en bois. Je l’ai terminé dans un open space. Tout le monde se ressemble. Il y avait des secrétaires. J’avais une secrétaire. Puis après, on me l’a enlevée. Après, on me l’a mutualisée avec quelqu’un d’autre. Là, il n’y a plus de secrétaire. Pour avoir une secrétaire aujourd’hui, il faut être CEO, PDG. Donc, il n’y a plus d’ouvriers. Il n’y a plus d’usine. De toute façon, on a tout mis en Chine et au Vietnam. Donc, il n’y a plus le choc du réel de gens qui pensent différemment de vous. Moi, je racontais mon week-end à la secrétaire le lundi matin. Et comme elle vivait dans d’autres quartiers que moi, elle avait un autre âge, une autre famille, on avait un feed-back immédiat. Là, il n’y a plus de feed-back. Il n’y a plus de feed-back. Tout le monde vit sur écran et on parle via écran, via Zoom, via WhatsApp avec des gens qui pensent pareil, qui gagnent le même niveau de salaire, qui vont aux mêmes endroits. Il n’y a plus de feed-back. Alors, le feed-back est donné par BFM TV, CNN. Donc, c’est un feed-back qui est filtré. Donc, il y a encore des prolétaires, mais ils ne parlent pas le français, ce sont des immigrés. Moi, je me rappelle, la seule noire que je voyais au bureau, ça a dû changer. La seule noire que je voyais au bureau, je la voyais à partir de 18 heures. C’était une femme de ménage.
Minter Dial : Qui venait ramasser les poubelles.
Driss Ghali : Ramasser les poubelles. Elle parlait mal le français. Donc, il y a l’entre-soi. Donc, on a une classe aujourd’hui qui imagine l’ouvrier. qui imaginent l’immigré. L’immigré a besoin de ça, mais on n’arrive même pas à lui parler. L’ouvrier a besoin de ça. Je ne suis pas sûr que l’ouvrier ait besoin de la GPA pour toute, je n’en sais rien. On ne lui parle plus, l’ouvrier. Donc, on est dans une espèce de déconnexion de tous les côtés. Et le problème, c’est que les gens sont payés pour être comme ça. Les gens reçoivent, ils sont bien payés. Il y a une laptop classe, alors le terme n’est pas de moi, c’est un Américain qui l’a créé. Il y a une classe moyenne qui travaille à la maison sur des ordinateurs portables, qui vit complètement déconnectée. Elle est la base électorale du régime, en fait, avec une certaine immigration, avec d’autres personnes, mais elle est galvanisée par… Elle est galvanisée par son succès économique. Le frigo est plein. Elle est bien payée, elle part en vacances, elle a une voiture, voilà, tout ça. Et face à elle, vous avez toujours par les réseaux sociaux, vous avez les déclassés, les gens qui souffrent, qui eux aussi vivent dans une bulle. C’est les bulles des identitaires, les souverainistes, les anti-Unions européennes. Pendant le Covid, on a eu ça. Le Covid, on a eu les amis du docteur Raoult, les amis du vaccin Pfizer, et chacun… En fait, il n’y a plus de société parce que je n’ai plus besoin de te parler parce que mon frigo est plat. Donc, je peux t’insulter, je peux te bloquer, je peux désirer ta mort parce que le frigo est plat. Avant, pour remplir le frigo, il fallait travailler ensemble. C’est très facile. C’est comme dans la circulation routière. C’est très facile de faire un bras d’honneur à quelqu’un Depuis sa voiture, on sait que c’est rare qu’il vous rattrape, mais en face à face, c’est difficile. Là, on passe notre vie à se faire des bras d’honneur, par Twitter interposé, et on est en train de détruire la société.
Minter Dial : Ça me fait penser aux jeunes qui, selon des pays certainement, mais dans la majorité des fois qu’un couple jeune se dit que c’est terminé, ils sont l’envoi par texto. Je vais juste terminer Driss, je ne veux pas abuser de ton temps, mais à t’écouter, il y a toujours le problème de la solution. On peut constater des choses, remarquer le mécontentement, le potentiel de violence et tout. Cette identité qui est difficile exactement à définir, en tout cas pour que tout le monde soit d’accord et on y va tous ensemble. Mais il y a quelque chose qui me semble qui réunisse, qui réunirait l’ensemble des problèmes dans une solution. par exemple, la capacité de fréquenter des gens d’une classe différente, d’un milieu différent, qui aussi cette idée pourrait correspondre à une solution vis-à-vis d’une violence guerre qui vient et qui, par ailleurs, donnerait une fierté d’appartenir à un pays, c’est le service national.
Driss Ghali : Alors à condition de le faire très tôt, pas à 18 ans. 8 ans, 7 ans. Alors on ne va pas envoyer les enfants faire le service national à 8 ans, 7 ans, mais pourquoi pas le mercredi après-midi, au lieu de faire de la natation ou des cours d’informatique, on pourrait faire un service national de l’enfance où on oblige, pas avec la Kanachnikov, mais on s’arrange pour que les Blancs du 7e arrondissement parisien jouent au foot. ou juste face des châteaux de sable avec un noir de ville urbaine ou de la Seine-Saint-Denis ? Parce que c’est là qu’on crée l’empathie, parce que nous sommes tous racistes par définition. Nous avons tous une préférence raciale. Ça vient de notre cerveau reptilien, parce que dans notre évolution, nous avons compris que la solidarité est limitée à ceux qui nous ressemblent. Mon papa, ma maman, ma tribu, et éventuellement ma race. Donc, au lieu de vivre dans le monde de Alice au Pays des Merveilles, comme le font nos élites qui nous mentent et se mentent à elles-mêmes, il vaut mieux partir du principe que nous sommes tous des racistes en puissance et des machos en puissance et des violents en puissance. Il vaut mieux l’accepter que de dire je suis un ange. Non, nous sommes des gens, nous avons ça. Software est là. Eh bien, pour briser ce racisme, il y a aussi un racisme anti-blanc. Le racisme n’est pas une spécialité des Blancs.
Minter Dial : Il y a même du racisme en Afrique vis-à-vis des Blancs. Et le nombre de fois que j’ai cette conversation et ils pensent que ça n’existe pas, il faut que tu voyages quand même, tu ne peux pas dire que le racisme est le seul domaine des États-Unis. Qu’est-ce que c’est que ça ?
Driss Ghali : Bien sûr, le génocide rwandais est la preuve qu’il y a un racisme noir. D’ailleurs, il n’est pas terminé. Maintenant, il y a un génocide aujourd’hui au Congo. Des Noirs qui tuent des Noirs. D’ailleurs, je vous renvoie vers l’excellent docteur Denis Mukwege, qui est un chirurgien de l’hôpital de l’Est du Congo. J’ai oublié bien sûr le nom. Il est un chirurgien des femmes et des enfants mutilés par le viol, commis par les miliciens à l’assaut du Rwanda, mais pas seulement. D’ailleurs, il a été formé en France, ce monsieur, comme quoi la France fait de très belles choses. Il a été formé en France à la pédiatrie. Il est revenu au Congo quand il a vu l’épidémie de viol. Il a dit non, je vais devenir gynécologue. Bon, fermons la parenthèse. Ce service-là, il faut le faire à l’enfance. Il faut qu’on habitue les différentes communautés à jouer ensemble. Parce qu’à 18 ans, c’est trop tard, à mon humble avis. Et il faut surtout donner un ennemi commun. Il faut qu’on arrête avec le foot, l’écologie, le recyclage, l’Europe. Il faut donner, parce que chacun d’entre nous est méchant. Nous sommes gentils et méchants en même temps. D’ailleurs, l’islam est très intéressant parce que l’islam est une des rares religions autorisées aujourd’hui qui joue sur le côté noir de l’être humain. La violence. D’où peut-être son succès. L’islam part du principe que l’être humain est capable de tout, du meilleur comme du pire. Au front à cette jeunesse, un ennemi commun, comme l’a fait la République en 1880. Il vaut mieux aller casser la gueule, au figuré, dominer le Russe, l’Ukrainien, le Chinois, le Brésilien, choisissons un ennemi commun, que d’aller faire la guerre civile entre nous. Parce qu’il y a une fascination aujourd’hui en France pour le modèle américain. C’est une espèce de guerre civile larvée. les Noirs dans leur ghetto avec une espèce de livre de romans ou de cailles de doléances qui fait quatre volumes à chaque fois, c’est insupportable. Je généralise bien sûr, mais c’est l’esprit américain. Les Latinos contre les Noirs, c’est ingérable. Mais les Américains, c’est leur culture d’abord, et puis ils sont armés. Donc ils peuvent se détester, ils sont armés. Chacun dans son coin a son gun. Nous, on n’est pas armé, on ne peut pas se jouer à ça. Je propose un projet, il faut se trouver un objectif commun qui soit méchant, qui mobilise nos pulsions négatives contre l’extérieur et pas contre nous-mêmes, sinon on va se bouffer entre nous.
Minter Dial : Je module en disant, j’imagine quand même que c’est un ennemi où on n’a pas besoin forcément de faire la guerre violente, mais qui est un ennemi idéologique, on va dire.
Driss Ghali : Par exemple, à l’époque, on aurait pu dire le bloc de l’Est. Mais là, je ne sais pas, je dis n’importe quoi, mais si on décide de la Chine, parce qu’ils sont communistes, parce qu’ils sont… Les pollueurs ! Je dis n’importe quoi. Choisissons un truc parce que sinon on a trop d’énergie qui font du surplace. Et là on est en train de se bouffer entre nous.
Minter Dial : L’idée de vouloir aimer tout le monde, partout, à tout moment… Même le catholicisme.
Driss Ghali : Qui est la religion de l’empathie, de l’amour, ce qui est vrai aussi, mais ce n’est pas que ça. Le catholicisme a eu besoin d’aller projeter la méchanceté vers les Amériques pour génocider les Aztèques, remplacer les Indiens du Brésil, les Incas. La solution, si elle existe, doit repartir dans la nature humaine. Qu’est-ce que nous sommes ? Pas d’idées de lobbyistes à Bruxelles ou à Washington qui vont nous dire « oui, globalisme, Union Européenne, l’amour fraterne », ça n’existe pas.
Minter Dial : On est bien d’accord que le problème quelque part là-dedans, sans parler juste de progressistes, c’est pour statuer qui est l’être humain. Est-ce qu’on est nés tous avec l’empathie ? Est-ce qu’on doit avoir une religion ? Qu’est-ce qui fait que l’ADN, l’épigénétisme, il y a beaucoup de difficultés dans tout ça. On ne va pas résoudre tous les problèmes du monde. même pas de la France aujourd’hui, mais je pense qu’on a fait un bon tour, Driss, et je te remercie d’avoir passé ce temps et cette conversation avec moi. Comment est-ce que quelqu’un qui a écouté peut aller chercher tes livres ? Qu’est-ce que tu recommandes en premier si tu proposes un choix ? Parce qu’on a écrit pas mal de livres.
Driss Ghali : Alors, sur quelle plateforme aller ? Je me prosterne devant l’oncle Sam, il faut aller sur Amazon. C’est l’endroit où c’est le plus facile de se les procurer. Sinon sur mon site www.dreesrally.com, vous trouverez en bonus quelques écrits, quelques opinions et quelques états d’âme. Et puis après, là on est période de fin d’année. S’il veut quelque chose de polémique, mais qui pose des questions, enfin, ce « elephant in the room », comme nous disent si bien les anglo-saxons, il faut qu’il lise « De la diversité au séparatisme », un petit bouquin de 80 pages qui pose crûment les problèmes de la diversité, les défis de la diversité et de l’immigration en général en France. Ça, c’est un coup de poing dans les tripes, fait vraiment… Il est polémique parce que tout est polémique aujourd’hui, mais il met le doigt là où ça fait mal. Ça, c’est pour polémiquer, on va dire. Ce n’est pas le cadeau de Noël qu’on fait à l’amour de sa vie. C’est plutôt, j’ai un copain qui l’a donné à son beau-père qui lui est insupportable. Il dit, au moment où tu achètes mes livres, tu peux, il m’a dit, ça m’a permis d’énerver mon beau-père de gauche et tout ça. S’il est plus dans l’érudition, qu’il lise le livre sur la colonisation française, qui est une contre-histoire de la colonisation française. Là, on est vraiment dans un livre dans l’érudition. un peu de vulgarisation comme on n’en fait vraiment plus aujourd’hui en France. Ce n’est pas un livre de spécialistes, c’est un livre d’un homme ordinaire comme moi qui a voulu simplifier quelque chose qui est réputé complexe. Et s’il aime la biographie, moi je lirais volontiers la biographie de David Galula qui est un marginal comme moi, qui est un maghrébin comme moi et qui est un homme du monde mais qui n’est pas un citoyen du monde. Je ne crois pas aux citoyens du monde, on est toujours de quelque part. Mais on peut appartenir au monde. Et Galula était un juif tunisien qui a grandi au Maroc et qui a inventé une technique de contrôle des populations sans violence, sans torture. Ce n’est pas un gentil, ce n’est pas Gandhi, c’est un militaire. Et il a été incompris dans son pays, la France, et il a été célébré aux États-Unis. Dans les années 60, il a côtoyé Kissinger et tout ça. C’est un peu l’histoire d’un saint, et j’aime beaucoup ça, c’est-à-dire qu’on peut avoir le succès après la mort. Le succès de Galula est arrivé après sa mort, comme un saint, comme ça Thérèse d’Elysée, tout ça. C’est une histoire très intéressante parce qu’elle montre qu’il ne faut pas être triste si on n’a pas le succès dans la vie d’aujourd’hui, peut-être qu’il viendra après. Et deuxième chose, il ne faut pas tomber dans le conte de fées. du management moderne qui dit « think out of the box » parce que Galula il a passé sa vie à penser en dehors de la boîte et il n’a pas eu le succès qu’il méritait dans sa vie. Et c’est vraiment une leçon aussi pour le management, c’est-à-dire qu’il y a aujourd’hui, nous avons aujourd’hui plusieurs Galula dans le monde, des gens très intéressants et qui sont combattus par le système, par les bureaucraties du privé. Et faire le bien aujourd’hui, voilà mon dernier point, c’est pas forcément donner un chèque à l’UNICEF pour les petits du Congo. C’est bien, il faut le faire peut-être. Mais si on trouve un Galula aujourd’hui, il faut l’aider. C’est peut-être plus utile parce que lui fera la différence. Comme ce docteur Mukwege qui est un Galula aujourd’hui du Congo, qui a d’ailleurs eu le prix Nobel. Parce que ce sont des marginaux, il faut être complètement dingue pour aller recoudre les organes génitaux de femmes violées au Congo aujourd’hui, au milieu de la guérilla, il faut être dingue. Il faut être marginal. Mais c’est des gens qui changent le monde. Ce n’est pas un chèque qui va changer le monde ou un post sur Facebook pour dire « voilà, je suis contre le changement climatique ». Galula, c’est intéressant dans ce sens-là.
Minter Dial : C’est marrant que tu dises ça. Je disais quelque part, pour faire changer le monde, il suffit de peu. Il y a le fou qui énonce un sujet, mais le plus grand fou selon cette hypothèse, c’est le deuxième qui dit que celui-là il est bien. Parce qu’en fait, en premier, il a l’air d’être fou, il doit être dans sa tête plein de compliqués, mais quelqu’un qui est dans la société, qui dit celui-là, il est bien, c’est the follower of the fool, who is the most courageous, le plus courageux de tous. OK, avec, sur ces beaux mots, en espérant que tu passes de bonnes fêtes, le podcast va sortir en janvier, mais Ça nous permettra de continuer la discussion. Merci beaucoup, Driss.
Driss Ghali : Merci.