Parité, égalité: quelle image avez-vous, femmes?

POST D’INVITÉE : YENDI DIAL

Mardi 28 septembre 2010, j’ai assisté à la conférence du MEDEF Ile de France sur les femmes : Parité, égalité en entreprises, où sont les femmes ?

Un panel de 7 femmes : Marie Christine Oghly, Medef Ile de France, ; Virginie Calmels, Endemol ; Joëlle Garriaud Maylam, sénatrice ; Laure Chatelard, L’Oréal, Maryam Salehi, NRJ ; Marie-Jo Zimmermann, Députée et présidente de la délégation aux droits de femmes, last but not least Dominique de la Garanderie, avocat La Garanderie & Associés, et ancien Bâtonnier de Paris – toutes très compétentes dans leur domaine respectif, puisqu’invitées sur scène à débattre du sujet.

1- Compétence, compétences, qui a dit compétence ?

salaire des femmes vs hommes

salaire des femmes vs hommes

Ce mot de compétence tant répété au début de ce débat me gène.  Que veulent-elles dire ?  Avoir des diplômes, des connaissances et des capacités, être sérieuse et professionnelle, de l’intelligence pure analytique (QI) avec de l’intelligence émotionnelle, comprendre les gens, gérer les équipes, les motiver…..  Les statistiques montrent depuis longtemps que les femmes ont des compétences, les filles travaillent bien à l’école, les jeunes femmes réussissent bien leurs examens, souvent mieux que les hommes.  Pourtant, en 2010, elles gagnent 27% en moins que leurs collègues masculins à poste comparable.

Il y a 15 ans, en 1995, je me souviens que chez Apple, je gagnais à peu près 25% de moins que mon collègue à poste comparable, diplôme comparable, résultats comparables, sans enfant, sans mari, (sans boyfriend d’ailleurs), sans maternité.  D’ailleurs, nous étions tous deux très appréciés de notre chef avec qui nous sommes restés en excellent contact ; mais tout de même, le salaire n’était pas similaire.

Entre en jeu dans l’égalité entre femme et homme un autre élément : il y a sur la femme un regard diffèrent, une appréciation différente.

2- Mise en valeur

Laure Chatelard qui travaille pour L’Oréal est venue ajouter un fait décisif, une vérité.  En dehors de tout critère de compétence, il y a la faible exposition des femmes aux mécanismes politiques de l‘entreprise (valable hors entreprise aussi).  Les femmes ne s’exposent pas assez, ne se mettent pas assez en valeur, ne savent pas jouer des coudes, revendiquer, prendre la parole. Elles ont besoin de faire plus de « politique » pour gravir l’échelle du pouvoir, de travailler leurs réseaux, en interne.  Les femmes ont besoin de soutien politique dans l’entreprise à des niveaux élevés de hiérarchie ; elles en manquent.  Peu ont des mentors qui, avec efficacité, les poussent de l’ avant. Or, l’évolution se fait dans un système de cooptation ; les chances des femmes sont donc plus faibles.

L’employé (homme ou femme) est jugé par sa hiérarchie, son milieu.  Les femmes ne doivent pas seulement travailler, elles doivent passer leur temps à le faire savoir. Plus on monte dans la hiérarchie, plus on passe son temps à gérer sa carrière et en particulier ceux au dessus de vous.  Ce « travail » est fort loin des compétences professionnelles du poste exercé. D’ailleurs, on connait tous des gens (hommes et femmes) qui ont gravi les échelons de la hiérarchie de l’entreprise, de l’administration ou de la politique sans être particulièrement compétent.

Les femmes manquent souvent de cette assurance de se faire valoir.  Les hommes prennent le pouvoir, les femmes les responsabilités.  Mais pourquoi et comment évoluer ?

3-L’image

Au moment des questions, l’un des aspects de la réponse a été abordée par Marie Albertini :  l’image de le femme, sa représentation.

J’écris et je travaille sur l’image : celle qu’on a de soi-même et celle que la société a de vous.

Cette image nous définit autant que nous la définissons, une interactivité sans fin dans tous les âges de la vie.  L’image est basée sur nos croyances, d’où la question cruciale de l’éducation que pose Marie Albertini. Elle a raison. D’ailleurs les petites filles, malgré leurs bonnes notes, prennent moins la parole, posent moins de questions, ont plus peur.

Raphael trois grâces

Raphael trois grâces

Certes les croyances évoluent, la culture n’est pas figée et l’optimisme est de rigueur, ce qui est bien naturel car la proposition de loi va dans le sens d’inclure un plus grand nombre de femmes dans les conseils d’administration des entreprises. La proposition (40% de femmes dans les conseils d’administration) ne faisait pas l’unanimité autour des invitées :  d’abord l’idée même du quota, et celle du 40% ont été âprement discutés.  Voici une étude qui démontre l’impact favorable sur le cours de bourse des sociétés ayant une représentation d’au moins 3 femmes.  C’est bien la preuve qu’elles arrivent à influer positivement les conseils d ‘administration (à condition que le comité ne soit pas grotesquement large). Les femmes augmentent la productivité des meetings avec plus de concret, de décisions prises, de suivi, de pragmatisme, une attention accrue au client, et moins donc de politique interne.

Quota, pas quota, on aime ou on aime pas, l’objectif est d’améliorer la représentativité des femmes et l’égalité de traitement.  Les quotas ont démontré répondre à l’objectif, au moins pendant une période de transition car les mesures volontaires et les encouragements divers restent lettre morte.

D’ailleurs, je ne peux m’empêcher de tempérer l’optimisme de la soirée MEDEF par le documentaire sur Arte le lendemain (mercredi le 29 Septembre) sur une autre réalité de la vie des femmes en France, celles des banlieues défavorisées qui souffrent d’un machisme violent fortement préjudiciable à l’avenir des femmes, et c’est aussi la société française de demain. (ARTE, Daniel Leconte femmes pourquoi tant de haine?)

L’équilibre est difficile entre les différences des femmes, et leur égalité en droit. Il y aura toujours, et tant mieux, des femmes plus prudentes par ‘nature’, des métiers plus féminins que masculins, des écarts de carrière à cause des maternités, certes mais quand même ! La différence de salaire et la sous représentativité des femmes dans les centres de pouvoir n’est pas juste, tout comme le manque de diversité. Le plafond de verre (glass ceiling) est dur à briser. Vous trouverez plus de détails sur les évolutions en 45 pays du monde de la représentativité des femmes sur les Comités de Conseil ici, et en particulier vous verrez l’évolution pour le comité ayant 3 femmes dans le tableau 3.  Par ailleurs, vous pouvez poursuivre la lecture (en anglais) dans minterdial.com, avec une étude faite par IPSOS sur la situation des femmes dans le business en France et ce qu’il faudrait faire pour avancer sur ce sujet.

J ‘entends déjà certains (ou certaines) dire que le rôle de l’entreprise est pas d’améliorer la justice sociale.  Pourtant, il ne s’agit pas uniquement d’une question de justice sociale, mais de meilleure utilisation des énergies et des intelligences de tous, et toutes.

Le monde d‘aujourd’hui est celui de la mobilité, des nouvelles technologies, du rééquilibrage des flux commerciaux globaux, face à l’énorme challenge économique, culturel et social des pays en grande puissance tels que le Brésil, la Chine, l’Inde, etc…. Une société figée niant la richesse de la mixité et de la diversité se tire une balle dans le pied.  Les grandes évolutions sociales se font avec les femmes.  Ce sont les filles qui, par leurs études, leur intégration et leur élévation sociale, changent la dynamique économique. Prenez l’exemple du micro crédit au départ ciblant principalement les femmes en Inde, et maintenant un succès partout.

4- Merci

Après 25 ou 30 ans de réussite, je me réjouis d’entendre des femmes comme Dominique de la Garanderie vouloir passer le flambeau à d’autres, elles ont grandi dans leur rôle, se sont accomplies et continuent de le faire, mais leur grandeur est de donner à l’autre, de faire grandir. Dominique de la Garanderie a parlé avec humour de son parcours et a dit son espérance de justesse et de justice (équilibre incertain et imparfait des deux).  C’est un bonheur que d’être dans le don ; l’intelligence est très belle, très séduisante. Merci à Dominique de la Garanderie

Merci à Madame la sénatrice Joëlle Garriaud Maylam pour la clarté de sa pensée et son talent de réconciliation quand son corps et son sourire accompagnent ses mots vers chacun des interlocuteurs sans perdre l’objectif :  faire avancer la femme dans la société Française de demain.

Je n’oublie pas les premières suffragettes, les féministes si injustement décriées qui se sont battues pour que j‘ai le droit de vote, celui d’aller à l’école, et à l’université, celui de créer mon propre business sans demander l’autorisation à un mari, celui de divorcer, celui d’avorter, celui de me battre pour défendre mes droits, merci.  Ça peut paraître loin, mais à regarder d’un peu plus près, ces droits sont des avancées relativement récentes, et je sais que dans beaucoup de pays les femmes souffrent de ce manque de liberté.

Merci à toutes celles qui ont donné et donnent de leur temps, de leur courage pour que nous ayons une bataille un peu plus douce.

La conférence a eu lieu pour ouvrir la société française a plus de parité et plus d’égalité pour les femmes, chacun et chacune de nous — par nos actes et nos paroles — y contribuent. J’espère que vous poursuivrez le débat avec moi ici.

5 réflexions sur « Parité, égalité: quelle image avez-vous, femmes? »

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  2. J’ai trouvé un point positif, l’image esthétique de la femme a évolué positivement. Souvenez vous de cette chanson de Dalida « il venait d’avoir 18 ans ». Elle était une femme de 2 fois son âge qui soupirait à ses derniers émois amoureux il venait d’avoir 18 ans. Elle se sentait vieillir, et n’avait que 36 ans!. Elle y croyait dur comme fer. Les femmes de 40 ans sont representées et donc perçues plus belles et plus désirables. C’est bien de plaire aux hommes, mais pas suffisant, plaisons nous, please. La société de consommation l’a bien compris, ne passons pas à coté de millions de femmes de plus de 40 ans. En leur attribuant une image plus jeune, la cible augmente. Tournons cette nouvelle représentation en notre avantage.

  3. Bonjour Minter,

    J’ai souhaité commenter ce texte car il porte sur un sujet pour lequel je me sens particulièrement concernée.
    Tant dans la sphère privée que professionnelle, la question de l’égalité homme-femme reste une préoccupation pour les femmes.

    Les femmes sont encore désavantagées par rapport aux hommes concernant l’accès au travail, le déroulement de leur carrière, les salaires (quand on constate qu’en 2010 elles gagnent 27% de moins que leurs collègues masculins à poste comparable, comme le souligne le texte c’était déjà le même constat il y a quinze ans!).
    Malgré les avancées majeures de ces dernières années, l’égalité professionnelle est encore très imparfaite.

    Une des explications de cette inégalité réside effectivement dans le regard que la société porte sur elles…

    La contrainte n’est peut-être pas la solution pour inverser les tendances. Néanmoins ne faudrait-il pas aller vers un réel durcissement de la législation pour dissuader les entreprises de telles discriminations? Particulièrement concernant la rémunération où à poste équivalent aucune raison valable ne justifie un écart de salaire entre une femme et un homme.
    La société ne devrait-elle pas donner plus de moyens aux femmes pour se battre contre ces discriminations? Les éduquer dès l’enfance à s’affirmer davantage et à être plus combatives, développer les associations et sensibiliser les syndicats pour les aider dans leurs démarches…
    La discrimination positive fait débat. Et c’est en débattant que la société changera.

    Dans de nombreux pays, la condition de la femme est encore très critique voire inadmissible. La France se doit donc de poursuivre ses efforts afin de montrer l’exemple…

  4. J’écris sur l’image, et comme tu le dis c’est la representation culturelle des femmes qui est au coeur de leur manque de credibilité dans les postes de pouvoir économique.

    Elles resteront differentes par « nature », mais elles doivent être égales (we are equal but different, musique de « theaupairs » http://www.youtube.com/watch?v=LQ3A4SZ1WWE). Leur potentiel est sous exploité.

    Dans la réunion du MEDEF auquelle Minter et moi avons assisté, il y avait dans les femmes présentes celles qui étaient contre une loi pour plus de parité dans les conseils d’administration et celles qui étaient pour.
    Le premier groupe disait avoir réussi grace à son intelligence, sa compétence et n’avait donc pas besoin de loi. Ces femmes gagnantes qui se sont modelisés sur les hommes, durs, conquerants, supérieurs.

    Dans le deuxième groupe, il y avait l’ancien batonnier du barreau de Paris, Dominique de la Garanderie élue en 1996, une femme sublime qui donnait (écoute, comprehension, savoir).

    J’ai approuvé la loi en disant que sans positive discrimination, Obama ne serait pas président des USA, mon argument a été critiqué, mais pour moi américaine aussi, c’est d’abord la représentation sociale, économique culturelle qui s’impose à nous.

    A nous de la faire évoluer, plutot à toi

    N’oublions pas que : Nous faisons notre image autant que notre image nous fait.

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