Animée par Nicolas Prissette, du Journal du Dimanche, j’ai assisté à cette conference-débat de l’Université d’Eté 2010, « Quand l’écran brouille les images, » sur des sujets très vastes autour de l’internet, la dématérialisation du monde, le poids de l’image… Je fais un résumé (en trois parties) des points clés qui m’ont le plus frappés, avec quelques commentaires à moi en couleur.
Samuel Morillon, DG de Cybion, une société d’intelligence économique sur le Net qui fait de la veille et du conseil en communication de crise. M Morrillon a fait trois points d’entrée: (1) Il a noté que c’est bien une minorité qui fait l’opinion sur l’internet. (2) Contrairement au mouvement « intellectuel » des mouvements du 1950s, cette minorité n’a pas un caractère intellectuel. (3) C’est une minorité qui fonctionne avec le droit à l’anonymat. Par rapport à ces 3 points, Morillion a dit qu’il ne faut pas de tout en avoir peur et qu’il faut, tout de même, mettre l’entreprise au coeur de l’internet. Morillon a évoqué l’importance, dans le rôle du community manager, d’essayer de bien comprendre ce qui se dit par qui ; nous pouvons et nous devons investiguer la source des commentaires et leur crédibilité.
MD: La crédibilité des sources s’apprend peu à peu ; d’autant plus que le moyen de vérification est évolutif (exemple: Yelp qui permet de qualifier les internautes ou des systèmes de vérification officielle tel que fait par Twitter pour les comptes de célébrités). Dans les écoles, les étudiants (et les professeurs) doivent faire leur propre apprentissage. Parmi les points importants soulevés par Morillon: la veille et la recherche des sources des commentaires « anonymes » doit se faire toujours par la main.
Natacha Quester-Séméon, Directrice associée de la société i-Marginal, co-conceptrice du service mobile culturel CultureClic.fr et animatrice du blog MemoireVive.tv (Nouveaux usages, nouveaux médias, technologie, société et vidéos mobiles). Un élément essentiel serait d’intégrer pour les élèves à l’école l’apprentissage et la gestion de sa réputation en ligne. Quel est l’identité numérique qu’on veut avoir (et contrôler)?
MD: Je ne peux qu’être d’accord. Par contre, les problèmes sont multiples surtout avec l’aisance des professeurs et le pauvre niveau d’infrastructure/équipement dans les écoles (surtout dans les lycées, où il n’existe pas la pression d’un système ‘privé’ qui pourrait investir plus aisément comme en GB ou E-U, par exemple).
Quester-Séméon a insisté que le débat entre le journaliste versus un bloggeur est bien dépassé et qu’on doit comprendre et accepter qu’on est passé d’un système pyramidal à un système transversal quant à la transmission des informations.
MD: Sur ce point, il y reste du grain à moudre. Le journaliste reste encore un métier à but commercial, ce qui est encore une notion vague pour les bloggeurs. Sinon, je pense que la transmission de l’information en France reste encore bien descendante car pas mal des grands décideurs sont encore un peu réfractaires du web, mais ça bouge. Il va falloir lâché prise sur des systèmes de management « command & control. »
Thierry Sassez – Delegue inter-ministériel à la Communication et Directeur du Service d’information du Gouvernement. Un homme qui parle avec de l’élan, Sassez a surtout insisté que la mise en image a amené de l’instantanée et l’irrationnel, et de ce fait a entraîné un manque de recul et a banalisé la valeur de l’analyse — ce qui promeut l’horreur et le sensationnalisme dans les médias. Sur le net on trouve le meilleur et le pire. Mais ce n’est ni le paradis ni la poubelle. Il voulait positiviser sur l’opportunités de la collaboration, des travaux collectifs, et des sujets développés dans les blogs. Il ne donnait peu de sens ou valeurs aux commentaires sur les sites médias, où les commentaires sont protégés par l’anonymat (ce qui fait sortir plutot le pire).
MD: Un discours qui semblait au total assez mitigé quant à l’Internet…
Nathalie Kosziusko-Morizet (NKM) – Secrétaire d’Etat chargée de la Prospective et du Développement de l’économie numérique. NKM a commencé par parler de la question de la gestion des données personnelles sur l’Internet, disant que « Facebook n’a pas de tout trouvé son équilibre sur la separation et protection de la vie privée. » Et elle a poursuivi avec « [l]a bonne nouvelle c’est que la manipulation de l’image concerne de plus en plus tout le monde. » Récemment elle a entendu, parlant avec un homme politique Coréen, qu’une actrice Coréenne célèbre s’est suicidée suite aux rumeurs perpétuées sur le net — s’agissant d’une invasion dans sa vie privée, elle n’aurait pas pris suffisament soin de ses enfants.
MD: Son exemple, je dois dire, me choquait. Enfin, on peut trouver bien d’autres exemples de pourquoi le vie privée doit être respectée avant d’utiliser un exemple aussi grotesque. D’ailleurs, la dépression et le suicide d’une star ne peut être dû seulement à une affaire de média; de toute façon, une star choisit par définition d’être une figure publique et donc suivi par les médias quelque soit la forme. Je pense plutôt à l’interception par News of the World des appels et messageries vocales des Princes William et Harry et bien d’autres célébrités.
NKM a dit que « dans toutes les sociétés on organise la façon d’oublier. Avec des règles différentes selon le pays, » elle a continué, « toutes les sociétés organisées ont des systèmes de prescription […] Le droit a l’oubli* fait partie du système humain… » [*Traduit en anglais, ça donne « right to oblivion »]
MD: Si NKM veut dire que c’est le vainqueur qui re-écrit l’histoire et, de ce fait, « oublie » ce qu’il lui semble outil d’effacer, je la comprends bien. Mais, je n’ai pas les références suffisantes pour dire que toute société organise son oubli. Lorsque je suis allé au Puy du Fou, j’ai lu la phrase, « Le pardon n’est pas l’oubli. » Je pense, alors, que l’oubli est loin d’être systématisé.
NKM a fermement dit qu’elle n’était pas de tout favorable à la lutte contre l’anonymat. Elle estime qu’enlever ce droit à l’anonymat est dangeureux pour les personnes. Elle dit avoir recommandé aux etudiants de prendre un pseudo (surtout pour les ados) quand ils s’expriment dans les forums. « Cette liberté d’expression doit être conservée. » Citant le travail du think tank FING – Fondation Internet Nouvelle Génération – NKM a parlé de l’idée de créer plusieurs identités numériques où, en fonction de l’espace, on peut avoir des identités différentes.
MD: D’abord, je suis ravi de cette prise de position sur l’anonymat. Par contre, alors que j’aime bien l’idée d’avoir plusieurs vies (second life, alter ego, etc.), quand on est sur l’internet et qu’on est en train de se construire (y inclus en tant que jeune), on doit faire attention à ne pas s’éparpiller. Une réputation se construit dans le temps et l’authenticité fait partie des caractéristiques les plus importantes et recherchées. Pour les jeunes aujourd’hui, ils sont capables de lancer des pistes (d’un personnage adopté) et entendre l’echo quasiment en temps réel qui permet de calibrer et créer le personnage le mieux adapté (au mieux en tout cas). Comme l’a évoque Fabrice Epelboin dans cet entretien, les jeunes d’aujourd’hui ont la la capacité d’inventer et jouer avec leur personnalité en virtuel, ce qui fait que les cycles de construction de personnalité se sont beaucoup rétrécis.
L’image de soi et la construction de cette image est un beau sujet — un sujet de vie. Par contre, l’image se manipule tout comme le texte. Avec l’internet, l’image peut se propager dans l’anonymat, avec des inconnus ou bien avec son cercle intime. Les opportunités restent à développer et nous sommes loin d’avoir statués sur les règles du jeu. Et, comme l’a indiqué NKM, il faut savoir rester humble, car l’internet est lui-même en train de se construire.
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