La disruption sera plus grande en France que dans d’autres pays, @martelf

J’ai entendu la phrase suivante dans une intervention par Frédéric Martel, journaliste (NPR, France Culture) et auteur (Smart, Enquête sur les internets aux éditions Stock, avril 2014), à l’occasion de fêter les 20 ans de Yahoo:

Chaque fois que je reviens de mes voyages à l’étranger et j’atterris à Charles-de-Gaulle, je m’aperçois que la disruption sera plus grande en France que dans d’autres pays »

 

Les principes et valeurs du pays – une disruption profonde

france-numeriqueFrédéric Martel a ensuite énuméré combien et comment la France a, dans son ADN, des principes qui rend l’impact de la revolution numérique (et donc la charge de travail) plus conséquent. La France est un pays qui valorise :

  • la centralisation versus la decentralisation de l’Internet
  • la hiérarchie versus le monde plat
  • le secret (cf Le Grillon – Pour vivre heureux, vivons caché) versus l’ouverture et la transparence
  • l’attachement au gouvernement et aux grands groupes versus l’entrepreneuriat
  • la représentation (l’image et la perfection) versus l’activité
  • John Meynard Keynes (intervention de l’état et la re-distribution) versus Joseph Schumpeter (la destruction créatrice)

Dans cette liste, bien entendu la France n’a pas le monopole de ces principes. Mais il s’agit de la combinaison qui le rend difficile face aux défis de l’Internet et du numérique.

Real Time – la relation avec le temps

Comme le temps de la présentation était court et que Frederic a écrit tout un livre sur le sujet, j’imagine qu’il y a plein d’autres aspects à noter, par exemple sur l’importance du présentéisme — totalement antinomique avec l’Internet. Mais pour ma part, il y manque un autre point radicalement clé, qui est sine qua non fondamental dans cette ère numérique: la relation avec le temps.

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Sans parler du slow time, les pays de culture latine (pour ne pas parler de l’Afrique) ont une relation avec le temps qui est particulièrement différent par rapport aux Anglo-Saxons. L’Internet, à la base un outil de communication, permet une rapidité d’échange et une gestion en temps réel des affaires. Dans un monde où nous devons arriver à l’heure aux rendez-vous de vidéo- et télé-conférence, on ne peut plus accepter le « quart d’heure parisien » de retard ou le débordement trop habituel des agendas. En plus, les attentes et l’impatience des consommateurs s’accentuent et s’accélèrent, exigeant des réponses en ligne très rapide (considéré de plus en plus un pilier du concept de service dans le service à la clientèle). On ne peut plus attendre la validation hiérarchique et la quête de perfection, soulignant l’image soignée et voulue, inscrite dans la culture française.

Une question de culture

Sous entendu dans les propos de Frederic Martel, le digital (ou le numérique) est, avant tout, une question de culture et d’état d’esprit. Ainsi, les problèmes de culture avec des valeurs profondes (telles qu’il a cité) non adaptées, peuvent se retrouver dans une culture d’entreprise également. Pour être totalement clair, ces problèmes de hierarchies, silos, retard et centralisation ne sont pas limités aux sociétés françaises, mais sont apparents dans des entreprises le monde entier. Si des principes similaires sont en pratique chez une entreprise, il est certain qu’il faut prendre des mesures. Au moins, il faut commencer par reconnaître la dichotomie. C’est en ceci que réside la vraie rupture digitale.

Solutions nécessaires

Au lieu simplement de se plaindre (ce sport national en France), il s’agit d’apporter des solutions. Voici, donc, les cinq actions que je recommanderais aux patrons d’amener dans l’entreprise:

  1. revoir les critères de recrutement et d’évaluation pour encourager des valeurs et le comportement voulu
  2. revoir l’organisation de l’entreprise pour enlever les couches hiérarchiques en se focalisant sur la clarté des objectifs des employés et des équipes
  3. instaurer un système de communication en interne qui permet une communication ouverte et rapide (cf Yammer ou Chatter…) avec les patrons qui s’y mettent en premier
  4. quant à la gestion du temps, le leadership doit être modèle avec un management plus stricte sur la gestion des reunions, etc. Pour le coup, ça doit être top down.
  5. pour être credible: mieux vaut être et faire avant de le dire et l’écrire.

Si ces cinq actions ne sont pas ni facile ni rapide à implementer, il convient que le rôle de leadership est inéluctablement la clé. Pour autant qu’on est dans un pays qui respecte le pouvoir et les grandes institutions, le chef doit prendre le « lead. » C’est-à-dire, il/elle doit impérativement (voire impérieusement) incarner le changement voulu.

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